Situation

Le domaine du Mas de la Cure est implanté sur la commune des Saintes Maries de la Mer, en bordure du petit Rhône, à 13 kilomètres du village et à 24 kilomètres de la ville d'Arles, à l'intérieur du périmètre du Parc Naturel Régional de Camargue.

Il fut longtemps propriété du Château d'Avignon et leur histoire est intimement liée.

Le mas doit sans doute son nom au fait qu'il devait y avoir autrefois une cure. Une cloche située sur le bâtiment le plus ancien le prouve.

Sur d'anciennes cartes, le mas est parfois mentionné sous le vocable « mas de la Cure, Boismeau » ou « Boismeau » et l'on trouve une parcelle nommée « clos du curé » correspondant à l'emplacement actuel du clos des chevaux.

Un peu d'histoire

Le delta du Rhône, après une histoire mouvementée, marquée par les invasions Romaines, Wisigothes, Franques et Lombardes est intégré avec la ville d'Arles, au royaume Carolingien.

En 855, le second partage de ce royaume fait d'Arles la capitale du royaume de Provence. A cette époque, les incursions des corsaires et des pirates sarrasins en Camargue, incitent le Roi d'Arles à favoriser l'installation des populations aux embouchures du Rhône. Sa politique matérialisée sous forme de primes d'installation et d'exonérations de droits, a abouti à la formation de la Communauté de Notre Dame de la Mer.

Les nouveaux habitants bénéficient de la concession de tous les étangs inférieurs existants sur le territoire de la communauté et malgré les rivalités et les procès avec la ville d'Arles, ceux-ci resteront propriété des habitants de Notre Dame de la Mer jusqu'en 1717. A cette date, un arrêt du conseil du Roi, contraint la communauté à mettre ses biens en vente pour liquider ses énormes dettes.

Cette mise en vente permet la constitution du domaine du Château d'Avignon qui naît au XVIIIème siècle, résultant du démantèlement de la seigneurie de Boismeau.

C'est Joseph François d'Avignon d'Arlatan, écuyer de la Ville d'Arles, qui va dans les années 1730/1740, réaliser l'acquisition d'un certain nombre de terres, qui va constituer le noyau initial du domaine.

En 1770, un bail à ferme, entre le Marquis d'Avignon, seigneur de Malijay et Raoul Ménager de la ville de Saint-Gilles, énumère les différentes parties concernées dont certains noms ont perduré et nous sont aujourd'hui familiers : « terre deQuinaud, terre de Germe, terre de Tages, Balarine... ».

Jean-Louis Romuald d'Avignon est le dernier de cette illustre famille à présider aux destinées de ce vaste domaine.

En l'an XII (1803), on procèdera à la vente par adjudication au profit de Madame Victoire Jeanne Pauline Gabrielle de Raphaélis, qui le revendra en 1811 au comte de Miollis, général d'empire, celui-là même qui en 1794, fut chargé par l'empereur Napoléon d'occuper Rome et d'arrêter le Pape Pie VII, lequel faisait quelques difficultés à annuler son mariage avec Joséphine.

Par un jeu successif de ventes et d'adjudications, le domaine s'est progressivement étendu pour former une gigantesque exploitation couvrant 23000 hectares dans les années 1830, et regroupe les domaines du Mas de la Cure, de Balarin, de Bardouine, du Ménage ainsi que les étangs de Consécanière, du Vaccarès et de la totalité des étangs inférieurs. Ainsi ce domaine quasi seigneurial, couvre un tiers de la grande Camargue. A cette période, le cheptel du Mas de la Cure comptait 175 juments, 60 chevaux et environ 400 taureaux.

En 1860, la signature d'un traité de libre échange réduisant les taxes douanières et libérant le commerce extérieur, ainsi que le développement de nouveaux moyens de transport (chemin de fer et bateaux à vapeur), voient la Russie et les États-Unis importer massivement leur production de céréales, provoquant un effondrement du cours du blé et avec lui le pilier de l'économie camarguaise.

Conjointement, en 1872, le phylloxera, petit insecte ravageur, détruit entièrement le vignoble français et européen.

Ces deux crises ont fortement influencé la reconversion rapide de l'économie agricole camarguaise autour de la viticulture irriguée. En effet, grâce à une submersion hivernale de 40 jours, afin de lutter contre une salinité omniprésente, le phylloxera est absent du vignoble camarguais. Malheureusement, de nouvelles crises financières obligent la mise aux enchères du domaine, qui est acqui en 1866 par Monsieur Berthelon et Monsieur Brunet qui se partagent ainsi l'immense territoire. En 1888, après de longs litiges entre les copropriétaires, le lot dit « du château » devint la propriété exclusive de Monsieur Berthelon. Il comprend le château, le Mas du Ménage, le Mas de la Cure (ou Boismeau), Bardouine et Consécanière.

La viticulture pratiquée de façon quasi-industrielle va exiger de lourds investissements pour la construction du système d'irrigation et de drainage. C'est alors que se développent les plus grands projets sur la mise en valeur agricole de la Camargue. Les grands canaux constituant l'armature actuelle des écoulages en Camargue s'achèvent vers 1880 et le domaine du Château d'Avignon a joué un rôle moteur dans cette transformation.

Encore aujourd'hui en fonctionnement, le Mas de la Cure est doté d'un réseau hydraulique unique en Camargue avec 10 kilomètres de roubines et de porteaux d'amenée d'eau douce et de 18 kilomètres de roubines d'évacuation, conférant au domaine une multitude de biotopes bien particuliers.

Encore une fois, les difficultés économiques importantes que rencontre la société civile, constituée par les héritiers de Monsieur Berthelon, entraînent en 1893 la cession du domaine pour la somme de 50000 francs à Monsieur Noilly Prat, déjà propriétaire du domaine de Montcalm, situé au nord du petit Rhône, en vis à vis du Château d'Avignon.

Monsieur Noilly Prat, très au fait des technologies de son temps, améliore le domaine du Mas de la Cure, qui devint rapidement un microcosme autonome, produisant son électricité, son approvisionnement en eau courante et possédant son forgeron et son boulanger.

Véritable ferme modèle, le Mas de la Cure va ainsi être doté d'un immense bâti (3000 m2 en tout) destiné à recevoir et à héberger les salariés, leurs familles, les saisonniers et les journaliers, indispensable main-d'œuvre pour travailler et entretenir le vaste domaine agricole.

Logement du régisseur, du fermier, hangar, « chapelle, écurie », forge, four à pain, réfectoire, porcherie, jardins d'ouvriers, donneront à ce domaine l'allure d'un véritable petit bourg.

Un château d'eau, alimenté par celui du Château d'Avignon, approvisionne les logements, les écuries et la cave en eau douce.

C'est en 1897 que fût construite la vaste cave (2000 m2) sur le Mas de la Cure, où l'on peut encore aujourd'hui admirer les cuves en céramique et les immenses foudres en chêne, destinés à recevoir les vins de la propriété et qui permettaient le vieillissement du célèbre « vermouth », témoin figé d'une grande époque de conquête.

Au rez-de-chaussée de la cave, se faisait la vinification et le stockage du vin, tandis que le premier étage était réservé à l'hébergement des ouvriers.

Désignés sous le nom de « gavots », ils venaient des Cévennes et des Hautes-Alpes. D'autres ouvriers venaient d'Espagne et d'Italie (essentiellement du Piémont)... Arrivant en gare d'Arles par trains complets (4000 au début du siècle), ces derniers seront appelés « les spécialistes de la pelle ». Ils effectueront tous les travaux de terrassement, d'aménagement de canaux, de bourrelets, de déchaussage des pieds de vignes et les vendanges.

Beaucoup de leurs enfants sont aujourd'hui propriétaires en Camargue, témoins vivants de cette population laborieuse.

Encore une fois le ciel s'assombrit, car la crise viticole et l'arrivée massive de vins d'Algérie va stopper cette embellie qui ne résistera que peu de temps après la seconde guerre mondiale.

Comme de nombreuses grandes propriétés camarguaises, l'histoire du mas a suivi les grands courants dominants de Camargue, comme l'arrivée des cultures au XIXème siècle, les grands travaux d'endiguement et d'irrigation venant concurrencer les activités traditionnelles de pêche, de chasse et d'élevage, puis l'essor de la viticulture, son déclin à partir de l'après-guerre en faveur des activités rizicoles, elles-mêmes soumises périodiquement aux aléas des marchés mondiaux et des soutiens gouvernementaux.

En 1960, le domaine reconverti vers la riziculture compte encore une vingtaine d'ouvriers, qui ne seront plus que cinq en 1975.

Le domaine est finalement vendu en 1985 au Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres pour devenir un site de préservation du patrimoine et de la biodiversité, qui confie sa gestion, en 2002, à l'association Maison du Cheval Camargue et à la mairie des Saintes Maries de la Mer.

Quelques images anciennes

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